Enfin, nous profitons d’une zone naturelle préservée. Le Pantanal, la plus grande zone humide du monde, équivalent en surface à la moitié de la France, a su conserver 85% de son territoire intact, il est considéré par certains comme un bien de l’humanité car il absorbe 15% du CO2 rejeté sur terre. Les locaux, qui vivent ici depuis 2 siècles, vivent en « harmonie avec leur nature ». Le Pantanal est une plaine basse dans laquelle les fleuves environnant viennent se jeter. Le fleuve Paraguay en ressort gonflé. Lors de la saison des pluies, 80% du territoire est submergé. Heureusement, nous arrivons en pleine saison seche.

C’est depuis le Cerado que la plupart des fleuves s’unissant dans la plaine basse prennent leurs sources et c’est également ici que le Brésil a énormément subventionné l’agriculture intensive de soja, maïs, canne à sucre, blé et coton. La région a donc subi une déforestation massive dans les années 70 et 80 afin de faire place à ces grandes cultures, ce qui a créé beaucoup d’érosion et donc la sédimentation du Pantanal. Les produits phytosanitaires ont également été déversés en grande quantité générant une pollution des eaux intensive.

Un mois entier ne suffirait pas à faire le tour du Pantanal, étant donné qu’il n’existe aucune route goudronnée dans cette zone, et faute de budget, nous n’avons que 2 jours devant nous ! Les fazendas sont les seuls véritables lieux d’accueil des touristes afin de s’imprégner de la vie et de la culture des pantaneiros. Celles-ci sont de grands ranchs, car l’activité principale ici est l’élevage extensif de bovins. La viande produite est très réputée car les zébus ne se nourrissent que d’herbes fraiches et ne reçoivent aucun complément alimentaire.

Lors de la saison sèche la végétation non consommée par le bétail est brulée pour favoriser les nouvelles pousses, mais le feu gagne parfois les forêts et les savanes et il appauvrit le sol.

Les fazendas ont des dimensions pharaoniques, par exemple, la fazenda Santa Cruz dans laquelle nous avons séjourné compte 2 500 vaches répartis sur 16 500 ha, mais certaines peuvent atteindre 50 000 ha.

Malgré ces chiffres astronomiques, les fermes sont de plus en plus petites. Ici la tradition veut qu’à la mort des propriétaires, les fazendas soient divisées entre les fils. Aujourd’hui certaines d’entre elles sont alors trop petites pour être viable, les fazendeiros vont donc défricher les forêts placées en zones hautes pour augmenter leur surface de pâturage pendant la saison des pluies. Les propriétaires qui font faillites revendent leur terre à de nouveaux éleveurs qui importent l’élevage intensif avec eux et toute la pollution que génère ce genre d’élevage.

Depuis Miranda, 40 km dont de 30 de piste, 2h de trajet pour accéder à la fazenda. Les transports sont compliqués ici à cause de la saison des pluies notamment, du coup le développement économique de la région est restreint. Afin d’y remédier, un projet d’aménagement du fleuve Paraguay afin d’augmenter la capacité de trafic fluvial risque de faire perdre 50% des zones humides du Pantanal.

Autour de la ferme, un véritable petit village s’est formé, 25 personnes vivent ici, les propriétaires (les fazendeiros) et les employés (les pantaneiros) avec leurs familles. Il faut donc produire à manger pour tout le monde, poulailler, porcherie, potager et verger entourent la ferme. Les aller-retour à la ville sont rares. Seule l’électricité n’est pas produite in situ, elle vient d’un des 9 barrages hydroélectriques de la région. Vingt autres sont en projet, mais cela risque de modifier grandement le schéma hydraulique de la région.

Les Fazendeiros s’improvisent guides de safari pour nous faire découvrir la riche biodiversité de leur terre. Excursions à pieds, à cheval, en tracteur, et en jeep sont prévus pendant 2 jours, de quoi observer une faune impressionnante : caïmans, toucans, perruches, aras bleus et rouges, tuiuius (symbole du Pantanal), émeus, tamanoirs, tamanoirs nains, tatoos, loutres… Mais pas de jaguar, il se fait rare, parfois chassé par les éleveurs qui ne goûtent guère son régime alimentaire pouvant se satisfaire d’un zébu de temps en temps.

De voir des toucans à chaque fois qu’on sortait de notre chambre, d’approcher un aras bleu, le plus grand des perroquets, de suivre les pas d’un fourmilier juste devant nous sans qu’il nous repère, d’observer des loutres chasser nous a enchanté. Mais sous la majestuosité des animaux vivant dans ce territoire encore sauvage se cache les menaces de l’activité de l’homme, invisibles mais croissantes…

Le Pantanal

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